par Catherine Robert
Né d’un projet qu’on devine autant fait d’amitié que de passions communes, le texte de Danièle Sallenave offre à Marie-Catherine Conti l’occasion d’une belle déclaration d’amour au théâtre. |
Issu d’une série de conversations qui en ont constitué le matériau premier, le texte de Danièle Sallenave est évidemment taillé sur mesure pour la comédienne qui l’incarne puisque sa mémoire en dicte la trame. Mais en même temps, et parce qu’il porte autant la marque de l’actrice que celle de l’écrivain qui y dépose sa propre nécessité du théâtre, il dépasse la simple biographie jusqu’à devenir une défense et illustration de cet art que nourrissent habilement les différents points de vue sur lui, celui du praticien comme celui du spectateur. Ainsi, à l’image du décor de tube rouge semblable à un immense anneau de Möbius, Marie-Catherine Conti est tour à tour dans le théâtre et hors de lui : saisie dans le jeu et soudain dans l’extériorité d’une position théorique, critique ou politique, prise dans son histoire personnelle et dégagée dans l’évocation de celle de la scène, à la fois dans son enfance et dans l’ici et maintenant de ses engagements continués. « Ce qui est beau au théâtre, c’est la solitude partagée avec d’autres. » Avec décence et simplicité, têtue et touchante, exaltée et lucide, émouvante et drôle, la comédienne livre les bribes d’une mythologie personnelle où le père fait figure de gardien tutélaire et de protecteur bienveillant, raconte les planches et le cinéma, ses rencontres, et les mêle à une réflexion sur le caractère libérateur, épanouissant et éblouissant du théâtre qui renvoie chaque spectateur à ses propres souvenirs, réussissant ainsi le pari d’une œuvre commune avec la salle. Elle devient alors une sorte de coryphée du public, qui partage avec elle et par elle la fièvre de cet art exceptionnel qui arrache le temps au temps, se rit des aléas de l’existence et nourrit davantage la vie qu’il ne s’en nourrit. Fustigeant les amateurs de solutions faciles qui croient ce métier une sinécure et ne comprennent pas que le théâtre, comme l’amour et toute forme entretenue du désir, est « sorcier », Marie-Catherine Conti prouve par les faits l’imputrescibilité de la scène et la nécessité du combat de ceux qui l’arpentent, fanaux d’un sens et d’un bonheur à dire et entendre la beauté des choses que la modernité spectaculaire lamine tous les jours un peu plus. |
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